Lecture gratuite pour tous

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Free reading zone à Opatija
Opatija Free Reading Zone © Mirela Roncevic

La toute première zone de lecture gratuite naît dans un hôpital de Houston en Amérique. Les patients, ainsi que les personnes aux alentours, ont alors accès à des milliers de livres en ligne. D’autres zones sont ensuite créées dans des espaces publics et privés (parcs, trains, bus, aéroports écoles). Ces zones offrent aux utilisateurs un accès totalement gratuit aux livres du monde entier, et les auteurs sont payés pour chaque lecture qui est parrainée.

Née dans une famille d’agriculteurs, Mirela Roncevic a grandi dans une petite ville sur les rives sud de la mer Adriatique et n’a jamais mis les pieds dans une bibliothèque avant de s’installer à New York. C’est là que son projet prend forme, notamment lorsqu’elle travaille sur des contenus numériques et des ebook, lors d’une mission confiée par le Library Journal.

Au début cela ne l’enchante guère, l’éditrice et écrivaine amoureuse du papier tente même de résister. Mais ce travail se révèle être l’une des meilleures opportunités professionnelles qui ne lui soient jamais arrivées, elle découvre et prends conscience de l’immense potentiel des contenus numériques.

Une incroyable responsabilité sommeille sur les épaules de l’industrie littéraire.

Mila Roncevic créatrice Free reading zones
Mirela Roncevic © Mirela Roncevic

Le champ des possibles

Fort du constat que rien n’est vraiment organisé pour le digital, elle préfère embrasser l’arrivée du numérique plutôt que de lutter contre, et esquisse l’idée que les gens puissent avoir un accès équitable et légal aux livres, et plus généralement au savoir. Elle s’appuie aussi sur l’évolution des nouvelles technologies, et notamment des techniques de géolocalisation, pour élaborer une application qui se sert des informations GPS de la ville où se situe la zone de lecture.

Avec No Shelf Required, sa structure dédiée aux contenus numériques dans l’univers du livre, elle lance en septembre dernier la première Free Reading Zone croate à Zagreb. Le Velvet Café devient alors le premier café en zone de lecture gratuite au monde. Pour avoir accès au contenus, les clients téléchargent l’application sur leur tablette, ou smartphone et utilisent un code d’accès fourni par le café, qui dans ce cas se trouve être le sponsor : le Velvet paie l’expérience de lecture de l’utilisateur et  les éditeurs perçoivent leurs droits.

Nous avons transformé le café Velvet en une bibliothèque plus puissante que la bibliothèque municipale

Le projet s’étend ensuite à la ville balnéaire d’Opatija, non loin de Rijeka, capitale européenne de la culture en 2020. Parrainée par l’Université de Rijeka, Opatija Reads est lancée le 27 septembre pour une quinzaine de jours, transformant les hôtels thermaux de la ville, la plage du lido et la promenade maritime de 12 km en une Free Reading Zone.chacun a alors librement accès à plus de 100 000 livres, des romans best-sellers aux livres de cuisine, aux livres de voyage, de sport, de poésie et de divertissement, disponibles dans plus de 10 langues y compris l’anglais, le français, l’espagnol, l’italien, l’allemand et le croate.

Si créer une zone de lecture gratuite n’est pas simple, transformer un pays entier en “FRZ” l’est encore moins, et c’est pourtant le pari que s’est fixé Mirela, avec cette idée en tête que la population de la Croatie représente seulement 4,1 millions d’habitants, soit à peu près la population des arrondissements réunis du Queens et de Manhattan à New York.

La Croatie est un haut lieu du tourisme et sa géographie se compose également d’îles, plus de 1& 000, dont une population rurale énorme. Le projet peut donc atteindre des personnes qui n’ont pas facilement accès aux bibliothèques. Au final, le projet pilote Croatia Reads a été déployé dans tout le pays pendant un mois. Résultat : plus de 32 000 résidents et visiteurs inscrits au cours des deux premières semaines et des centaines de milliers de livres téléchargés.

Ce succès permet à Mirela Roncevic de présenter son œuvre lors de conférences publiques à travers le monde. Sa mission d’évangélisation se construit autour de quelques questions : peut-on transformer des villes, ou des pays, en une zone de lecture accessible gratuitement ? Peut-on fournir un même accès aux livres dans des zones géographiques virtuelles ou réelles ? Peut-on démocratiser ce concept et l’exporter à d’autres zones ? Peut-on largement viabiliser le projet auprès des éditeurs et des sponsors ?

Opatija Free Reading Zone instalacija © Mirela Roncevic

Le challenge ? Le modèle économique évidemment

La plupart des acteurs du secteur veulent en tirer parti, les droits d’auteur sont en tête des conversations. “Tout le monde s’acharne à protéger des œuvres pour qu’elles ne soient pas volées. Je consacre la majeure partie de mon temps à réunir les bonnes conditions pour donner au public davantage d’accès aux livres, sans que les ayants droit ne soient pénalisés.” Mais comment faire ? On lui a posé quelques questions pour y voir plus clair.

Qui finance les Free Reading Zones ?
Les bibliothèques sont des lieux formidables, ce sont des sanctuaires où l’on protège le savoir, et je pense que ce n’est ni aux bibliothèques ni au grand public de payer l’accès au numérique. Je crois que la promesse de la technologie n’est pas de limiter les contenus mais de les exposer. Aujourd’hui nous avons la possibilité de donner une nouvelle vie aux livres physiques, nous pouvons les partager à travers le monde d’une façon encore inédite. Évidemment, la question piège est : comment faisons-nous pour nous assurer que les personnes qui doivent être payées le soient vraiment ?

Le but est que des sponsors paient à la place du grand public. Ces sponsors n’ont pas à être des bibliothèques ou des librairies mais des sociétés, des mairies, des chaînes d’hôtel, des banques, des compagnies d’assurance… des structures qui dépensent parfois beaucoup d’argent dans une myriade d’offres culturelles, car tout le monde veut faire bon genre, tout le monde veut soutenir la culture et l’éducation. Pour eux il s’agit d’une bonne opportunité et c’est vraiment là, le noyau dur de notre mission.

L’aspect légal doit pourtant les rassurer…
Quand je parle de tout cela aux bibliothèques, les gens s’inquiètent toujours de la sécurité, et je leur dis que la plupart des projets illégaux existent déjà, certains se terminent même tragiquement. Personnellement je pense que tout doit être fait sans que personne ne soit lésé. J’étudie toutes les alternatives possibles pour que tout soit légal, pour qu’à la fin on puisse se dire, on l’a fait, ça fonctionne et tout le monde s’y retrouve.

Il faut que les éditeurs continuent leur travail. Je crois que dans l’évolution de cette industrie, ils seront encore plus puissant. En tant qu’éditeur, ça m’a pris du temps pour arriver à cette idée, j’ai beaucoup de respect pour ce métier. Éditer un livre est une aventure qui touche bien des esprits et des cœurs et l’on se doit de les rétribuer à leur juste valeur. On a besoin de travailler avec eux, d’échanger avec eux, notamment avec les ouvrages anciens.

L’édition est un domaine où tout va très vite, un nombre incroyable de livres sont publiés tous les mois, tous les ans, les catalogues bougent très vite et au bout de cinq ans, beaucoup de ces livres n’ont rien rapporté ! On essaie de les ramener à la vie, et d’en garder en vie. Les éditeurs tireront beaucoup d’avantages de ce projet.

Opatija Free Reading Zone 3 © Mirela Roncevic

Travailler, observer, apprendre

Comment a évolué le rapport de l’industrie face à ces nouvelles technologies ?
Le projet n’en est encore qu’à ses débuts, on tente plusieurs types de modèles. Les gens impliqués dans l’industrie du livre savent que c’est encore un joyeux bordel avec les ebooks, les éditeurs se sont tellement concentré sur la protection de leurs droits qu’ils ont eux-mêmes limité les possibilités d’utilisation. En général, vous allez sur Internet, vous choisissez l’œuvre, vous payez et vous téléchargez, c’est sensiblement le même procédé avec les livres imprimés, et c’est plutôt limité.

Les ebooks, ce n’est vraiment pas nouveau. Aux USA, cela existe depuis longtemps et c’est plus développé qu’ailleurs. Je suis née en Europe dans une petite ville de Croatie, je suis donc toujours très attentive aux enjeux, il existe un monde incroyable en dehors de l’Amérique, et chaque fois que je me rends dans une conférence, je vois tout ce que l’on pourrait apporter…

Lorsque je souhaite créer une Free Reading Zone, j’observe les business modèles possibles, tous ont des faiblesses et des forces, mais celui qui me semble adaptable à différentes situations reste celui qui pose la question de savoir à quel point l’éditeur peut être flexible, jusqu’où il est prêt à collaborer. Sans coopération nous ne sommes pas capables de remplir correctement notre mission.

L’Amérique du nord ne fonctionne pas comme l’Europe ?
Aux USA les bibliothèques ont de l’argent, peut-être pas toutes mais en général elles sont soutenues, plus qu’ailleurs dans le monde. Quand je rencontre des bibliothécaires, tous me disent “c’est super ce que vous faites avec les ebooks aux USA, mais ici c’est compliqué, nous ne pouvons pas vraiment…“. Il y a tant de bibliothèques qui fonctionnent avec de tout petits budgets.

Lorsqu’on a crée Free Reading Zones il existait déjà de nombreux business-models. Mes éditeurs peuvent être payés de différentes façons, soit sur ce qui est lu, soit pour un téléchargement, soit les livres sont payés en avance et les droits sont reversés aux éditeurs… Il y a plusieurs modèles, certains sont meilleurs que d’autres, mais les futurs modèles sont ceux qui donnent cet accès à la base. Le contenu numérique ne devrait pas être ultra sécurisé mais disponible.

Les ebooks ne sont pas faits pour être possédés, j’en suis profondément convaincue.

Croatia Reads est probablement la Free Reading Zone la plus ambitieuse, parce que je souhaitais m’impliquer personnellement et professionnellement, c’est mon pays de naissance, je l’aime et j’y vais autant que possible. Le lieu est si petit et compact, que je voulais montrer au monde qu’on peut transformer un pays entier en bibliothèque. Dans d’autres pays, c’est plus compliqué, ils sont plus gros et il y a plus d’habitants… La Croatie était donc le point de départ parfait, cela s’est fait en collaboration avec une société israélienne d’ebook, Total Boox, car j’apprécie leur façon de procéder, elle s’adapte à ce que je souhaitais mettre en place.

Depuis les projets s’enchaînent ?
Nous travaillons maintenant sur un projet lié à une autre zone touristique qui sera accessible en Free Reading Zone. Ce projet implique un autre modèle avec cette fois-ci une société européenne. C’est un test supplémentaire car on essaie de satisfaire le plus grand nombre, mais lorsqu’on me demande de quel côté je suis, celui des sponsors, des éditeurs ou des écrivains, je dis toujours que je suis seulement du côté des lecteurs, car je suis une grande lectrice.

Opatija Free Reading Zone 4 © Mirela Roncevic

Savoir compter sur son réseau

J’essaie effectivement de me concentrer sur les éditeurs avec qui j’ai déjà travaillé par le passé, des éditeurs progressistes qui comprennent les besoins et les enjeux du numérique, les traditionnels ne sont pas encore prêts à franchir le cap. Je crois que l’on ne peut forcer personne, tout ce qu’on peut faire, c’est tester nos projets, apprendre d’eux, et promouvoir la vision de notre mission, et voir où cela nous mène.

Pour les universités, c’est aussi l’occasion d’étendre un grand nombre de livres aux étudiants, et aux non étudiants !
Oui, les non étudiants également, c’est très important de le préciser ! Travailler avec l’université c’est très intéressant, car il ne s’agit pas d’un sponsor privé qui cherche à mettre ses logos partout, c’est davantage orienté éducation, et parfois tourisme, alors des hôtels participent et c’est très agréable de voir cette évolution.

Il y a encore beaucoup de travail pour que l’accès au savoir soit égal dans bien des pays, certains ne sont peut-être pas si pressés d’y accéder… Comment défendez-vous le projet ?
Quand je présente le projet à des officiels, des élus, j’insiste sur les trois axes importants. En Europe, c’est par exemple le ministère de la culture, celui de l’éducation et celui du tourisme. Le projet procure alors un bénéfice sensiblement égal à ces trois axes, mais ce sont des retours spécifiques pour l’éducation d’autres pour le tourisme et la culture, chacun s’y retrouve finalement. L’université locale est un sponsor, c’est une très belle histoire car elle propose des cursus dans le tourisme, le management touristique, le business du commerce… Tout tourne donc autour du tourisme dans une zone géographique dédiée au tourisme.

Vous touchez donc un plus large public…
C’est la plus belle façon de montrer aux étudiants que les innovations sont là pour apporter un vent de fraîcheur qui profite à la ville. Cela donne également aux touristes et aux visiteurs une offre supplémentaire pendant leurs congés, pendant qu’au même moment les étudiants continuent à se cultiver gratuitement, que cela soit sur le campus ou au café. Ils peuvent évidemment se rendre à la bibliothèque, mais ils n’y sont plus obligés. Encore une fois il ne s’agit pas d’opposer le papier au numérique, j’ai été dans le numérique presque toute ma carrière, il n’y a aucune compétition entre les deux, bien au contraire.

Malgré la révolution numérique, les ventes de livres cartonnés ont augmenté au cours des quatre dernières années, à travers l’Europe et l’Amérique. Si le reflux d’activité semble avoir patiné en France en 2016, sa croissance continue outre-Atlantique, mais aussi dans certains pays d’Europe comme les Pays-Bas, et à New York et Londres les librairies indépendantes prospèrent. Le numérique apporte des avantages spécifiques qu’on ne doit pas ignorer, et les livres imprimés seront toujours là.

Les deux sont si complémentaires… Plus on propose du contenu digital, plus les gens auront un intérêt pour les livres imprimés. Ce que nous devons faire, c’est nous éduquer et éduquer nos proches. Je le fais déjà avec mes collègues parce qu’ils sont impliqués dans ce processus. Ils doivent comprendre eux-mêmes les avantages pour pouvoir également les transmettre, c’est certainement mon plus gros challenge avant les sponsors, sans eux je ne peux pas avancer.

Opatija Free Reading Zone 5 © Mirela Roncevic

Il n’y a que des gagnants

Les éditeurs ne sont-ils pas tentés de ne vous laisser que des miettes, des packages de titres qu’ils ne vendent pas ?
Le rejet fait partie du jeu, et j’en ai l’habitude (Rires). Parfois certains ne comprennent juste pas, ou ne voient pas l’ensemble du tableau. Je ne les pousse pas, je les remercie pour leur temps et je passe au suivant. Je ne peux promettre à personne qu’il sera possible de lire son livre préféré dans une Free Reading Zone, personne ne le peut vraiment, la seule chose qu’on peut promettre, c’est que si cela arrive le public n’aura ni à payer pour cela, ni à se rendre aller à la bibliothèque.

Certains auteurs sont réfractaires ?
Pour le moment, nous ne travaillons pas directement avec les auteurs, seulement les éditeurs, qui eux sont en contrat avec les auteurs. Mon plus gros travail, c’est de signer avec les éditeurs. On les laisse d’ailleurs assez libres, ils fournissent ce qu’ils souhaitent. Certes, parfois ils ne donnent pas les meilleurs livres, certains le font, d’autres non. Chacun a sa façon de faire, nous préférons évidemment lorsqu’ils nous donnent accès à tout afin de proposer davantage de contenu.

Et puis on ne paie pas les éditeurs en avance, ils nous passent les documents, on ouvre la carte, et on recense les lectures, et alors ils sont payés. Nous n’avons aucun intérêt à payer pour un livre s’il n’a aucune lecture. Cela dépend aussi de la taille du projet, du budget. Le prochain projet sera assez conséquent car nous investissons dans des visuels, et on invite des artistes à créer des installations autour de la ville. On passe à la vitesse supérieure, notamment avec le marketing.

Comment soutenez-vous les éditeurs locaux ?
On s’intéresse évidemment aux zones où l’on intervient, en Croatie on a par exemple déniché les éditeurs locaux, pour ce projet nous avons aussi introduit un des éditeurs les plus importants du pays afin d’avoir davantage de livres. Il arrive aussi que lorsqu’un projet ne dure que quelques jours, des éditeurs participent en donnant une sélection d’œuvres, dans un cadre purement promotionnel. Finalement, peu importe où se trouve la zone, les communautés locales doivent être représentées, et puis les sponsors ne se sentiraient pas concernés si ce n’était pas le cas. Imaginez, vous êtes un petit éditeur dans une ville et la zone se trouve plus loin, vos livres peuvent alors atteindre bien plus de lecteurs.

Free Reading Zones

Lecteurs et Free-reading zones

Et l’usager dans tout ça ?
C’est ce qui m’intéresse le plus. J’observe le nombre d’utilisateurs et ce qu’ils consultent, et je peux vous dire que les best sellers ne sont pas les livres les plus lus… Les gens ont des goûts si différents, ils peuvent s’intéresser à d’autres ouvrages une dizaine de fois par jour. Ils peuvent télécharger tous les best sellers, mais ils vont seulement lire quelque chose de plus personnel à leurs yeux, comme certains livres dont peu de monde a entendu parler. C’est presque un voyage spirituel au fond.

La critique littéraire compte encore ?
J’en ai fait mon gagne-pain pendant plus de dix ans mais je crois qu’il est temps de prendre de la hauteur. Je crois bien plus aux gens qu’aux critiques. En tant que parent (j’ai deux enfants), quand je les observe je crois qu’ils savent bien plus que ce qu’ils ne laissent paraître. On pense toujours que l’on doit les guider, mais si on les laisse évoluer par eux-mêmes on vois bien qu’ils sont capables d’autocensure. Je ne dis pas qu’il faut avoir une confiance aveugle, mais il ne faut pas être borné.

Je crois très fort que mon ado de fille devrait d’abord lire des livres pour les filles de son âge et de leurs problèmes, ça lui permettrait de grandir avec, d’être connectée. Je crois que cela lui serait plus approprié que le travail d’auteurs qu’on lui impose de lire et qu’elle ne comprend pas toujours. À l’adolescence on devrait surtout apprendre à devenir un lecteur, et le chemin se fait avec une liberté de choix, de voyage personnel. Quelqu’un m’a dit quand j’avais 14 ans que j’écrirais un jour à propos des livres, j’ai détesté cette idée, j’ai eu une éducation old school, je devais lire tous les romans russes.. Lorsqu’on place trop d’autorité sur les enfants, on leur fait peur.

Quand j’ai dû lire Anna Karénine de Tolstoï, j’ai pleuré tous les jours.

La notion de nouveauté est-elle encore importante ?
C’est quoi un vieux livre ? qu’est-ce que cela veut dire finalement ? Je découvre aujourd’hui des livres qui ont été des best-sellers il y a bien des années, quand j’étais plus jeune, et cela ne me parlait pas. Ils me parlent seulement aujourd’hui.

Beaucoup de gens ne sont pas au fait de combien de livres ne sont jamais achetés par les bibliothèques et les librairies, c’est un processus assez peu démocratique et très sélectif. Certains sont poussés vers le haut, d’autres n’ont aucune chance, juste parce qu’on n’a jamais fait autrement avec le papier, et il y a tellement d’argent en jeu.

NSR – No Shelf Required

Grandir

Une ville, un pays, bientôt le monde ?
La plus belle victoire de Free Reading Zones n’est pas seulement une superbe destination touristique, même si c’est très excitant, c’est surtout le jour où un jeune en Afrique, en Zambie, où encore ailleurs au milieu de nulle part, ait un accès à la bibliothèque qu’un jeune d’Harvard.

C’est un projet politique, et vous avez beaucoup de travail devant vous !
(Rires) un de mes amis m’a dit l’autre jour : “Tu réalises à quel point tout cela est politique ?” et j’ai répondu oui ! Je suis au fait que même dans des pays comme la Croatie, dans l’UE, et je ne le mets pas dans la liste des pays où l’on devrait être inquiet, mais même ici, le gouvernement est plutôt conservateur, ils ont parfois des réserves sur bien des points. Je fais en sorte que cela ne nous impressionne pas, on fait une zone à la fois, puis zone après zone.

Combien avez-vous de lecteurs et de pays ?
On est encore en discussion avec beaucoup de lieux, au Brésil ils sont très enthousiastes avec notre projet. Les zones de lecture gratuites seront notamment évoquées lors du Bibioteca Viva, un séminaire international dédié aux bibliothèques qui se déroule du 23 au 25 octobre à Sao Paulo. En Europe on s’intéresse à plusieurs pays incluant l’Espagne, le Monténégro, la Suisse… En fait l’Europe est notre camp de base. Nous nous intéressons à des villes, pas trop petites, ou de petits pays, ou des régions.

Vous fréquentez les salons du livre ?
J’y suis souvent, cela fait partie de mon travail. Je vais à la rencontre des gens dans les bibliothèques et dans les salons professionnels, en France, en Angleterre aux USA. Les salons sont des lieux qu’il serait super de voir transformés en Free Reading Zone, le truc c’est que la plupart des gens qui se rendent n’y vont que pour faire du business

Ou pour voir des personnalités…
(Rires). Personne ne lit vraiment, ils sont là pour faire des vidéos et signer des contrats, c’est un vrai spectacle. Je préfère me concentrer sur des lieux dédiés au livre plutôt que les lieux dédiés au marché du livre. On adorerait être présents sur un festival qui célèbre les livres, dès qu’il y a un Wifi stable on peut mettre en place une zone et on y inclut les livres des auteurs présents, ce serait une synergie incroyable.

J’adorerais avoir un partenariat avec un festival, histoire de créer une petite zone avec seulement les livres dont on veut faire la promotion. C’est un cadeau magnifique fait au visiteur de pouvoir lire depuis un salon du festival ou une chambre d’hôtel… Tout le monde n’achètera peut-être pas le livre imprimé, mais des gens l’auront au moins lu !

Free Reading Zones : Transforming Access to Books through Technolog est le dernier ouvrage de Mirela Roncevic. Vous pouvez également consulter notre sélection parmi les œuvres parues chez ALA (American Library Association) :

Cyprien Rose est journaliste, mais aussi DJ et animateur du blog Houz-Motik : "Musique, culture DJ, disque vinyle... Il est parfois question d'Internet, de cinéma et de photographie"