Prince héritier et vice-Premier ministre d’Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane est longtemps apparu comme un modernisateur, avant que l’affaire Kashoggi ne vienne briser son image internationale.
Mais peu lui importe : au sein du royaume, il demeure incontournable, et rien ne semble s’opposer à sa prochaine accession au trône lorsque décèdera son père, Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, 85 ans. Aussi ses interventions médiatiques, rares et, cela va de soi, extrêmement contrôlées, demeurent d’un intérêt crucial pour qui s’intéresse à la géopolitique présente et future.
Sa toute dernière intervention, ce mardi 27 avril, sur la chaîne d’état Al Arabiya, a duré plus d’une heure. Il y défend et explique surtout son plan « Vision 2030 » qui vise, en priorité, à émanciper le pays de sa dépendance aux revenus pétroliers (mais contient bien d’autres aspects : on peut consulter le dernier « point d’étape » sur Vision 2030 établi par le gouvernement français ici).
De plus, au cours de l’entretien, réalisé par Abdullah Al-Mudaifer (également « Directeur Général Exécutif du planning et des solutions des technologies de l’information chez Mobily », selon sa page LinkedIn), et dont la chaîne a publié la transcription intégrale en anglais, le prince héritier a confirmé maintenir la Charia comme système législatif et conserver le Coran comme constitution (tout en « respectant les conventions internationales », ce qui donne lieu à de longs développements susceptible d’intéresser tout passionné de casuistique islamique).
En pleine pandémie de Covid-19, il a également annoncé la privatisation partielle du secteur hospitalier.
En voici les modalités, traduites par nos soins, dans le respect du ton délicieux de l’interview (délicieux est ici à prendre de manière ironique : rappelons à toutes fins utiles que Reporters Sans frontières classe le pays 170° sur 170 en droit de la presse, relevant que « depuis 2017, le nombre de journalistes et de blogueurs derrière les barreaux a plus que triplé ») :
Abdullah Al-Mudaifer. Votre Altesse, vous avez obtenu un succès remarquable dans la gestion de la crise du Covid-19, particulièrement si nous la comparons à celle des pays développés. Ma question, Votre Altesse, ne porte pas sur la crise du Covid-19, mais plus spécifiquement sur notre système de santé et, plus précisément encore, dans le cadre du programme Vision 2030 : il y a un nouveau programme, qui s’appelle « Programme de Transformation de la Santé ». Ma première question, directe, est la suivante : certains services de santé seront-ils payants à l’avenir ?
Mohammed Ben Salmane. Notre système de gouvernance comprend une loi très claire et explicite, qui stipule que les services de santé sont gratuits pour tous les citoyens, tout comme l’éducation. C’est un fait. Ce à quoi nous travaillons, c’est à la transformation des services sanitaires, de sorte que, au lieu de financer des hôpitaux publics répartis sur une large partie du territoire, et employant un personnel important, ce qui rend le gouvernement incapable de maintenir une qualité élevée dans le secteur de la santé, nous allons confier une large part de ces établissements au secteur privé, et au secteur non lucratif. Je vais vous donner un exemple dans le domaine non lucratif.
Nous allons faire en sorte que le gouvernement commence par procurer une assurance aux fonctionnaires et que le secteur privé, en accord avec nos législations, soit obligé, à chaque embauche, d’inclure une assurance : ainsi, chaque employés aura une couverture sanitaire. Et les employés regarderont les polices d’assurance et, parmi elles, choisiront la meilleure. Ainsi, il y aura une forte demande, au sein du royaume d’Arabie Saoudite, et cela motivera le secteur privé à étendre ses services de santé ; et si le secteur privé de la santé est le meilleur fournisseur, cela lui attirera plus de clients.
« Ce à quoi nous travaillons, c’est à la transformation des services sanitaires… »
Mohammed Ben Salmane
Pour le secteur non lucratif, nous travaillons en ce moment même sur une initiative qui sera bientôt lancée. À savoir : la transformation de l’hôpital spécialisé du Roi Fahd en un hôpital non lucratif, entièrement aux mains du gouvernement. Il sera financé à hauteur de 10 milliards de riyals (un peu plus de 2 milliards d’euros, Ndlr). Il génère également 6 milliards de riyals en revenu.
[…]
AAM. J’ai deux questions, Votre Altesse. Les hôpitaux publics seront-ils privatisés, ou resteront-ils mêmes, sous la forme d’entreprises publiques ?
MBS. Certains ne changeront pas et d’autres seront privatisés.
AAM. Très bien, est-ce que chaque citoyen aura une police d’assurance ?
MBS. Nous n’atteindrons peut-être pas cet objectif, mais nous visons à couvrir le maximum de gens, que ce soit par les polices publiques pour les fonctionnaires, ou par le secteur privé pour ses propres employés.
AAM. Donc, elles seront reliées aux emplois ?
MBS. Exactement.
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Liens utiles :
– Le site web Vision 2030 du gouvernement saoudien.
– La page du MEDEF consacrée à son « webinaire restreint sur le secteur de la santé en Arabie Saoudite », en partenariat avec la French Healthcare Association, la Fédération de l’Hospitalisation Privée et le Centre Saoudien pour les Partenariats Stratégiques Internationaux.
– La transcription intégrale de l’interview de Mohammed Ben Salmane sur Al Arabiya, en anglais.