Inculpé de conspiration, Michael Solomon, 31 ans, a décidé de plaider coupable pour tentative de vente d’armes au Hamas, 6 mois après son complice, Benjamin Ryan Teeter, 23 ans. Tous deux se revendiquent membres du mouvement informel des « Boojahideen ».
Si vous n’êtes pas familier, ou familière, des termes d’accélérationnisme, de Boogaloo Bois ou de Boojahideen, reprenons rapidement. Les militants accélérationnistes estiment que le plus urgent pour le bien de leur pays (ici les USA, mais on en trouve ailleurs) est de déclencher une guerre civile par tous les moyens possibles ; conflit d’ailleurs estimé inévitable par ces militants, d’où le terme d’accélérationnisme. Du chaos complet qui en résulterait émergerait alors, selon leur souhait, la « bonne » guerre civile, celle qu’ils veulent, au service de leurs idées (disparates, comme nous l’évoquons plus bas). Il s’agit là, donc, d’un concept, qui réunit autour d’un but (la destruction de l’État tel qu’il existe, et le conflit armé pour en finir au plus vite) et de symboles communs des groupes aux intérêts multiples, voire opposés.
Les « Boogaloos Boys » (ou Bois) n’en constituent qu’une facette informelle, sans doute la plus visible. Passons rapidement sur l’étymologie tortueuse du terme (bien résumée par Wikipedia ici), pour préciser que ses membres se revendiquent des idéologies les plus diverses (s’unissant autour des moyens plus que des fins), parmi lesquelles semblent dominer un certain goût pour les armes à feu, une contestation des mesures sanitaires contre le Covid-19 et un amour du libertarisme, c’est-à-dire l’opposition au gouvernement en tant que tel, en tant qu’entité, pour lui préférer l’individualisme forcené et le débridage total du secteur privé. On y trouve aussi des suprémacistes blancs, des anarchistes d’extrême gauche ou des conservateurs radicaux… Toutes celles et tous ceux qui aspirent à la guerre civile contre des autorités jugées tyranniques, aussi vite que possible.
Michael et Benjamin se revendiquaient, pour leur part, « Boojahideen », contraction de Boogaloo et de Mujahideen, un autre terme que l’on retrouve parmi ces activistes. Mais eux, contrairement à nombre de leurs confrères et consœurs, avaient un plan d’action, dans lequel ils se sont engagés à l’été dernier, et qui ne comportait qu’un accroc, le FBI.
Le plan de Michael et Benjamin ? Vendre des armes au Hamas (considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, rappelons-le) afin d’ouvrir, avec l’argent récolté, un camp d’entraînement à l’étranger pour leurs collègues Boojahideen. La rencontre avec un membre du « mouvement de résistance islamique » aurait donc dû s’avérer pour eux une bénédiction. Sauf qu’il s’agissait, donc, d’un agent du FBI.
« Le 10 juin 2020 », écrit le Département de la Justice dans son communiqué résumant l’affaire, « Solomon et Teeter ont rencontré un informateur confidentiel (« Confidential Human Source », CHS), que les inculpés croyaient être un membre du Hamas. Durant ce rendez-vous, ils ont proposé d’assister le Hamas afin de faire avancer les objectifs des Boogaloo Bois. Au cours de la conspiration, Solomon a utilisé des services de messagerie cryptés pour communiquer avec Teeter et le CHS, au sujet des divers aspects de celle-ci.
Le 28 juin 2020, Solomon, Teeter et le CHS ont rencontré un agent du FBI sous couverture (« Undercover employee of the FBI », UCE), que Solomon croyait être un membre du Hamas. Durant ce rendez-vous, les accusés ont proposé de fabriquer des silencieux, des armes intraçables, et des armes automatiques pour le Hamas.
Le 6 juillet 2020, Solomon et Teeter ont acheté une perceuse à colonne pour fabriquer des silencieux à destination du Hamas. Solomon a reconnu que lui et Teeter voulaient aussi l’utiliser pour fabriquer des silencieux à destination des Boogaloo Bois. Au domicile du premier, ils ont tous deux fabriqué 5 silencieux.
Le 30 juillet 2020, ils ont livré les silencieux au CHS et à l’UCE, en pensant que ces accessoires seraient utilisés par la branche militante du Hamas. Durant ce rendez-vous, ils ont accepté de fabriquer d’autres silencieux, et croyaient que cette future livraison serait utilisée contre du personnel militaire américain et israélien à l’étranger.
Ils ont à nouveau rencontré l’UCE le 29 août 2020. Durant ce rendez-vous, ils lui ont donné une gâchette insérable automatique (« auto sear ») imprimée en 3D, croyant qu’elle serait utilisée par le Hamas pour convertir des fusils semi-automatiques en fusils automatiques. Ils ont alors accepté de fournir, ce qu’ils ont fait, une autre livraison de gâchettes automatiques insérables à destination du CHS et de l’UCE ».
La suite des aventures des Boojahideen amateurs se décidera à la cour de justice de Minneapolis.
Ces fervents apôtres de la théorie « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis » risquent jusqu’à 20 ans de prison.
Déjà impatients, les Boojahideen risquent d’y trouver le temps long.
Liens utiles :
– Le mouvement des « Boogaloo Boys » vu par trois médias différents : Lundi Matin, Le Figaro et la BBC.