Le District Six du Cap a marqué la mémoire de l’Apartheid. Il fut un quartier cosmopolite, mélangeant Noirs Xhosa, Blancs Afrikaners, Indiens et Malais (amenés ici par la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales, nous apprend Wikipedia) jusqu’à ce que, en 1966, le gouvernement raciste du Parti national décide de mettre fin à ce mélange de couleurs, pour le réserver, sans surprise, aux Blancs uniquement.
Au fil des ans, 60 000 personnes furent expulsées dans les « townships » voisins, et leurs habitations rasées.
Désormais, sa vie multiraciale, sa culture cosmopolite et locale, ses photos, ses souvenirs et ses vies y sont célébrées dans un musée créé par d’anciens habitants. Le cartographe Philippe Rivière en souligne l’unicité en le comparant au plus officiel « Musée de l’Apartheid », à Johannesburg, implanté lui à la place d’un ancien casino :
« Le dispositif du musée de l’Apartheid est écrasant ; il provoque des émotions violentes, la peur, le dégoût, l’identification aux héros de la lutte, puis le soulagement d’un dénouement heureux et moral. L’Apartheid y est une figure abstraite, une pièce dont l’avers évoque l’imagerie nazie de l’oppresseur, et le revers baigne dans le sang des martyrs et l’héroïsme des libérateurs.
Au Cap, le District Six offre une approche muséographique diamétralement opposée. Dans ce qui fut l’église de ce quartier central de la ville portuaire, les anciens résidents sont venus raconter la vie quotidienne de leur communauté, avant qu’elle ne soit balayée par le pouvoir. »
Aujourd’hui, cette expérimentation, ce lieu de vie consacré à une culture unique et inspirante, se voit menacé de fermeture, ses revenus s’étant écroulés du fait de la pandémie de Covid-19. Une nouvelle fois, donc, le District Six appelle à l’aide. Et demande un soutien financier, renommé « lettres d’amour » (car c’est ainsi que « d’une manière bien typique du District Six », nous apprend le musée, les habitants appelaient les lettres d’expulsion envoyées par les autorités, lorsque fut ordonnée la destruction de sa communauté et des liens qui s’y étaient tissés).
Pour continuer à exister, « cet endroit qui tire sa fierté d’être surnommé « la maison », où les gens peuvent se rencontrer, retrouver de vieux amis, ou s’en faire de nouveaux, lors de dîners mensuels, d’ateliers participatifs, ou de groupes de paroles réguliers », explique Vincent Kolbe, son fondateur et ancien résident du quartier mythique, demande une aide financière mensuelle de 50 rands, ou ponctuelle de 110, soit 2,52 ou 5,55 euros environ.
Ces montants, qui correspondent en temps normal aux prix, respectivement, d’une entrée et d’une visite guidée, peuvent donc aujourd’hui contribuer à faire vivre cette « maison » pas comme les autres. Et avec elle, la mémoire de dizaines de milliers d’âmes invaincues par l’histoire.
Vous pouvez aussi retrouver le musée en ligne ici, ou le suivre sur Instagram là.