Spiegelman et Coover réveillent le flic qui dort
Art Spiegelman, l’auteur de Maus — le roman graphique en deux volumes consacré à la Shoah, à son souvenir, à ses disparus et à ses survivants — nous prépare, après une longue absence, une nouvelle BD scénarisée par Robert Coover, l’un de maîtres de la métafiction et cofondateur de l’Electronic Literature Organization.
Les deux petits génies (et par « petits », on veut dire : « grands ») de la littérature contemporaine ont coréalisé, via Zoom nous apprend LitHub, le récit illustré Street Cop.
« L’auteur, l’illustrateur et le protagoniste », précise l’éditeur, « pataugent parmi les personnages, les tropes, les messages et les genres — du film noir à l’horreur en passant par le récit de procédure policière — qui logent dans les fragments de la psyché américaine. Ainsi, Street Cop insiste sur la possibilité de voir émerger l’empathie, malgré la malignité de notre temps. » Ça, c’est un programme comme on les aime.
Street Cop paraîtra (en anglais) le mois prochain. Pour patienter, nous ne saurions que trop vous recommander de prêter l’oreille à l’un des tous derniers épisodes de Paroles d’histoire, le podcast d’André Loez « consacré à l’actualité des livres, des débats et de la recherche en histoire », qui se penchait justement sur le cas Maus avec l’historien Tal Bruttmann pour invité.
Une analyse passionnante, patiente et pointue du travail de Spiegelman, de ce qu’il a eu de révolutionnaire lors de son écriture, puis de sa parution, et qui le distingue encore dans le flux des œuvres de nonfiction.
Street Cop, de Art Spiegelmann et Robert Coover, paraîtra en avril 2021 aux éditions (par abonnement) isolarii.
Un cinéaste et ses monstres
Restons dans le récit dessiné avec la sortie, imminente elle aussi, du comics horrifique Asesinos y Monstruos (« Assassins et Monstres », tout simplement), première incursion dans la BD du cinéaste chilien Patricio Valladares (Hidden in the Woods, Downhill, Nightworld).
L’ouvrage sortira d’abord en Amérique Latine via Amazon Kindle, avant d’être distribué aux États-Unis sous le titre Monsters and Killers. On y suivra un tueur à gages dont la fin de carrière est contrariée par l’apparition de créatures malsaines et surnaturelles qui aiment particulièrement surgir lorsque tombe la nuit. Une balade urbaine dans un Chili étouffant qui promet d’être dérangeante, gore et cruelle.
Pour vous faire une idée de l’imaginaire effrayant de Valladares, vous pouvez jeter un œil à la bande-annonce, ci-dessous, de son dernier film, Nightworld. Mais on vous le déconseille si vous avez moins de seize ans, ou si vous avez peur des fantômes, de la mort, de la maladie ou de la solitude (ou encore de Freddy Krueger, le tueur des Griffes de la Nuit, dont l’interprète Robert Englund demeure reconnaissable sous sa barbe et ses lunettes noires de médium dérangé).
À paraître le 26 mars en Amérique Latine sur Kindle et, pour la France, à guetter sur Comixology.
Andersen à monde ouvert
Reprenons un peu de souffle dans cette balade culturelle autour du monde, grâce à l’architecte japonais Kengo Kuma, qui a conçu le nouveau musée Hans Christian Andersen à Odense, la ville natale du conteur danois, et qui accompagne désormais la visite de la maison de l’auteur.
Sa réalisation s’inspire du conte Le Briquet, dans lequel un monde merveilleux souterrain s’ouvre, partant d’un arbre, sous les pieds du héros.
À Odense, le jardin qui en découle vise à reproduire la sensation d’émerveillement brut que savent produire les récits fantastiques du romancier. « L’idée derrière le concept architectural imite la méthode d’Andersen, dans laquelle un petit monde s’agrandit soudain en un bien lus vaste univers », détaille Kengo Kuma, expliquant ce qui l’a poussé à concevoir un espace de plus de 5 kilomètres carrés qui, partant d’un jardin magique, s’enfonce en sous-sol, dans une expérience mêlant sons, lumières et images.
Ouverture prévue à l’été 2021. Renseignements et réservations sur le site de la Maison de Hans Christian Andersen.
Il faut bien survivre
Atterrissons en France, pour suivre un colloque de trois jours, la nouvelle édition du festival littéraire Enjeux Contemporains. La Maison des Écrivains et de la Littérature, en partenariat avec les collègues de Diacritik, « le magazine qui met l’accent sur la culture », réunissait les 4, 5 et 6 mars derniers au théâtre du Vieux-Colombier à Paris du beau linge (et pas qu’un peu) pour aborder la question de l’année, résumée en un verbe un poil actuel, « Survivre » : Johann Chapoutot, Leïla Sebbar, Nathalie Quintane, Jean-Michel Espitallier, Jean-Luc Nancy, Barbara Stiegler, Vanessa Springora, Antoine Volodine… Et beaucoup, beaucoup d’autres.
Bien entendu, l’ensemble des interventions se déroulèrent sans public, mais furent retransmises en live à l’attention des confinés, couvre-feuisés et autres alités de par le monde. Et l’intégralité de l’événement demeure disponible en vidéo, pour les aspirants survivants francophones de par le monde.
À découvrir en intégrale sur la chaîne YouTube de Diacritik ici, ou en capsules sur celle de la Maison des Écrivains et de la Littérature, là.
La voix des mondes
Concluons en silence. Celui que nous allons faire immédiatement pour laisser toute la place qu’elle mérite à Dominique Fils-Aimé. La chanteuse, autrice et compositrice montréalaise sort en effet tout juste son troisième album, Three Little Words, et en égrène depuis quelques semaines les singles en guise d’aperçu.
Parmi eux, « While We Wait » vous donnera la chair de poule, et tout le souffle qu’il faut pour garder les yeux ouverts dans les mois qui viennent.
Three Little Words, le troisième album de Dominique Fils-Aimé, est en vente sur Bandcamp, Spotify et Apple Music.