Né en 2020, avec pour parents la foire d’art contemporain africain 1-54 et l’International Studio and Curatorial Program de New York (ISCP) et pour parrain la fondation Tauck Ritzau, le tout jeune Prix Ritzau vise à récompenser des photographes établis ou établies en Afrique, en leur finançant une résidence de 3 mois à l’ISCP à Brooklyn.
Pour sa deuxième édition, le jury a choisi de distinguer Micha Serraf, qui photographie les devenirs, les identités, les contradictions qu’elles impliquent par essence, et l’altérité ; un spécialiste du mélange des genres et des couleurs, qu’il cherche avant tout à projeter vers le futur et un futur pour toutes et tous possible.
Il a d’ores et déjà annoncé le sujet qu’il explorera lors de sa résidence : « legal alien. » Étymologiquement, l' »Alien » c’est l’autre radical, l’étranger. Administrativement, aux États-Unis, c’est « toute personne non citoyenne ou résidente » du pays. Dans l’ambiance occidentale actuelle, le terme « Illegal Alien », c’est-à-dire « immigré clandestin », fleurit dans les médias, les débats, les angoisses et combats politiques. On parle moins des immigrés légaux… catégorie à laquelle appartient Serraf, depuis sa plus tendre enfance, comme il l’a raconté à la Fondation Tauck Ritzau qui finance le prix du même nom :
« Quand nous avons quitté le Zimbabwe, peu avant mes dix ans, m’a mère m’a dit, un matin : « Aujourd’hui, c’est ton dernier jour d’école ici. Dis au revoir à tes amis ». Je me rappelle leur avoir dit « au revoir » comme si j’allais les retrouver le lendemain. Après quelques années en Afrique du Sud, nous nous disons encore : « Ce n’est pas nous. Nous ne sommes pas d’ici. » L’Afrique du Sud, c’est chez moi, mais ce n’est pas ma maison. Le Zimbabwe, c’est ma maison, mais ce n’est pas chez moi. Je navigue dans les espaces qui paraissent familiers, que je peux reconnaître et comprendre, mais qui semblent en même temps surréalistes et en deux dimensions, comme un décor.
Suis-je le seul à me sentir ainsi ? Je fais l’expérience du racisme, de la xénophobie et de la suspicion quand je voyage, ou du fait de vivre avec un passeport zimbabwéen. J’ai fini par accepter que, peut-être, je ne me sens pas seulement extra-terrestre… Que je devrais plutôt embrasser complètement ma condition d' »alien ».
Ainsi, il prévoit de « contacter d’autres personnes qui s’identifient comme alien, ou qui ont déjà été traitées de la sorte, pour créer une série inédite et en même temps me paraisse sûre, apaisante, un peu comme la maison. […] Si je me retrouve à me sentir plus proche des aliens américains que des habitants de l’Afrique du Sud, ça pourrait être une expérience assez étonnante. »
Les États-Unis devraient lui permettre de se satisfaire en termes de rencontres. Déconseillons-lui toutefois de se présenter comme « alien » à la frontière : c’est un coup à prendre des coups.
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