Le soleil ne sera plus ce qu’il est. Ou du moins, tel est le souhait d’Aaran Stibbe, professeur d’écolinguistique à l’université de Gloucestershire en Angleterre (« Éco » comme “écologie”, non pas comme “économie”). Dans son livre Ecolinguistics : Language, Ecology and the stories we live by (éditions Routledge) il relève et décrypte les idées inconscientes, et dangereuses en ces temps de réchauffement mondial, que véhicule le langage. Pour lui, tout a commencé il y a deux ans, lors de la canicule européenne de 2018.
À la télévision, les bulletins météo évoquaient des jours “glorieux”, un ensoleillement “fantastique”, et déploraient les “risques” de pluie, les “menaces” de brouillard, les pluies “décevantes”. Alors qu’une première accalmie mettait fin à la vague de chaleur responsable de centaines de morts dans son propre pays, les prévisionnistes annonçaient l’arrivée d’un “sale temps” (“nasty weather” en V.O.). “Au plus profond de nos esprits, il y a cette idée qu’un temps ensoleillé est bon, et que tous les autres sont mauvais”, résume-t-il.
Or, ce n’est plus le cas. La chaleur a toujours tué, comme la neige et le froid mais, ces derniers temps, ce sont bien les hausses du thermomètre, les incendies qui les accompagnent et les ouragans qui gagnent en puissance à mesure que se détraque le climat, qui sont à redouter. Continuer à célébrer les beaux jours comme autant de bienfaits contribue à aggraver le problème et notre aveuglement collectif.
Comme le pointe pour le site Grist Kristie Ebbi, enseignant en santé publique à l’université de Washington et membre du GIEC, “S’il fait chaud en février à un point qui sort de l’ordinaire, nous devons cesser de nous en émerveiller, et plutôt nous inquiéter de ce qui nous attend […] Après tout, les haikus savent célébrer la fraîcheur d’un soir d’été, ou d’une brise… Au XVIII° siècle, le poète japonais Miura Chora célébrait la pluie printanière, “joyeuse la nuit, calme le jour” […] Nos émotions sont liées au temps. Peut-être que si nous apprenions à aimer les matins brumeux et les nuits froides, nous pourrions aussi apprécier les sentiments équivalents, comme la nostalgie et la mélancolie, au lieu de compter sur le soleil pour sortir et doper notre humeur. Ce qui pourrait rendre nos vies meilleures.”
En attendant que le monde en soit là, Aaran Stibbe, en linguiste dépité mais actif, a créé un premier cours en ligne d’écolinguistique, “The Stories we Live by”. Au programme : étude de publicités, de magazines, de manuels, de guides, de proverbes ou de mangas, “afin de révéler les histoires auxquelles nous adhérons, interroger leur perspective écologique et contribuer à chercher de nouvelles histoires auxquelles adhérer.”
Le cours est bien sûr en anglais, mais il est aussi gratuit. Que ce soit pour vous inscrire ou importer la discipline en France, suivez ce lien.
Et ne craignez plus l’hiver.