« À l’ouest d’Arkham les collines sont sauvages et il est des vallées qui n’ont jamais connu la hache. Il est d’étroites et sombres gorges où les arbres s’inclinent bizarrement, où de minces ruisselets filtrent sans avoir jamais reflété l’éclat du soleil. Sur les versants plus doux, d’antiques fermes branlantes aux chaumières trapues, couvertes de mousse, ruminent éternellement les vieux secrets de la Nouvelle-Angleterre à l’abri de grandes corniches rocheuses ; mais toutes sont vides à présent, leurs larges cheminées s’effritent et leurs flancs recouverts de bardeaux tombent dangereusement sous les toits à double-pente ».
Ainsi commence l’une des plus mythiques, et des meilleures, nouvelles de Howard Philip Lovecraft, « La Couleur Tombée du Ciel » (1927), du moins dans la traduction de Jacques Papy et Simone Lamblin.
Les amateurs et amatrices de littérature horrifique ou de science-fiction savent combien l’auteur à l’enfance difficile et à l’adolescence contrariée, inventeur du mythe de Cthulhu, a contribué au genre. Mais ce sont aussi autant d’orphelins, privés qu’ils furent de la très prometteuse adaptation des « Montagnes Hallucinées » par Guillermo del Toro, l’un des cinéastes les plus à même de livrer une vision conforme à celle de l’auteur américain. Un projet hélas tombé dans les limbes des grands films avortés puisque Universal, au vu du travail de pré-production, refusa d’investir 150 millions de dollars pour un film qui serait selon toute évidence interdit aux moins de 17 ans.
Heureusement, les geeks ont d’autres héros et parmi eux, Elijah Wood, l’interprète de Frodon Sacquet dans Le Seigneur des Anneaux version Peter Jackson. C’est lui qui, via sa société SpectreVision, a décidé d’investir dans une adaptation cinématographique de « La Couleur Tombée du Ciel ». Le résultat de 111 minutes vient tout juste d’être diffusé, coup sur coup, au Fantastic Fest d’Austin au Texas puis au Festival du Film de Toronto.
Réalisé par Richard Stanley, affichant Nicolas Cage et Joely Richardson au casting, La Couleur tombée du Ciel, le film, ménage ses effets (ce serait bien le moins quand on connaît le récit original !) et n’a pas encore révélé de bande-annonce. Tout au plus de rares images de production et, surtout, les premières critiques de ses spectateurs… Largement enthousiastes à l’exception, paradoxalement rassurante, de la notice parue dans Télérama qui évoque « un nanar horrifique [et] poisseux ».
Étant donné qu’après une nouvelle de Lovecraft, le silence qui suit est toujours du Lovecraft, autant conclure par ses mots, toujours tirés du même texte, et transcrivant ce que nous espérons ressentir à la vision en salle obscure de ce cauchemar intégral : « C’est alors que j’entendis l’histoire, et, pendant que la voix, grinçant et chuchotant, poursuivait son discours décousu, je frissonnai plus d’une fois, même en ce jour d’été. »
La Couleur Tombée du Ciel, de Richard Stanley, est produit par SpectreVision. Sortie courant 2020.