Le défilé qui n’en était pas un

Animé en 3D, le dernier défilé de la marque Hanifa se passe de public… Et de mannequins.

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Hanifa Défilé 3D
© Hanifa

Dans la vie il y a des gens qui ont du pif, et c’est le cas de la créatrice Anifa Mvuemba.

Alors que la pandémie de ghrume annulait tous les événements publics les uns après les autres, fermait les boutiques et mettait à terre les industries, la créatrice s’est autorisée un défilé unique en son genre, devant des dizaines de milliers de spectatrices et spectateurs par le biais d’Instagram et qui fit parler, de CNN à Elle en passant par le Harper’s Bazaar, autant pour le style des six looks féminins présentés et inspirés par son Congo natal que pour la manière radicalement neuve de les présenter : sans mannequins. Les vêtements sont animés en 3D.

L’événement n’était pas qu’un « coup ». Anifa (le prénom de la fondatrice) ou Hanifa (la marque) n’ayant jamais franchement joué selon les règles, proposant des robes qui taillent de 0 à 20 (en tailles américaines, soit de 32 à 52), au prix allant de 50 à 499 dollars, sans boutique, ne communiquant qu’à travers les réseaux sociaux et sans jamais faire de défilé. « Je pense que c’est difficile, pour beaucoup de designers noirs, d’intégrer le système actuel. Pour y arriver, il faut connaître les bonnes personnes et aller aux bons endroits, alors j’ai décidé de me débrouiller à ma façon« , confie-t-elle à Fast Company, qui raconte l’histoire de cette jeune femme de 29 ans, arrivée bébé à Washington D.C. après l’émigration de ses parents depuis la République Démocratique du Congo, désormais à la tête d’un business générant un bon million de dollars de chiffre d’affaires. La journaliste Elizabeth Segran détaille le travail exigeant qui a rendu le défilé virtuel possible :

« Mvuemba pensait à un fashion show en 3D des mois avant la pandémie. Les animations de plus en plus réalistes qui apparaissaient au cinéma l’intriguaient et elle se demandait comment le principe pouvait fonctionner pour la mode. Durant le confinement, elle a eu plus de temps pour jouer avec la technologie, surtout parce qu’elle devait superviser les séances photos à distance. C’est ainsi qu’est née l’idée du défilé en 3D, sur lequel elle a travaillé avec un développeur recruté voilà trois ans, alors pour l’aider dans le design assisté par ordinateur.

C’était plus facile à dire qu’à faire. Il fallait que chaque pièce de chaque habit de sa nouvelle collection, Pink Label Congo, soit convertie en image 3D, ensuite fixée sur un avatar, et dessinée avec la même précision que pour un être humain, pour les mêmes raisons. » C’était incroyablement pénible », détaille-t-elle. »

À Alice Cary pour Vogue, Anifa Mvuemba précise : « Je voulais faire ce show numérique depuis longtemps, mais ce n’est qu’au moment de la pandémie que j’ai compris que le moment était venu. J’avais prévu un défilé à la fashion week de New York à l’automne mais, pour des raisons évidentes, et parce que tout le secteur est en train de se transformer, je me suis dit : « Oh et puis, merde au calendrier de la mode, on y va. » J’ai constitué une équipe et on s’est mis au boulot. »

Anifa Mvuemba Hanifa Fashion
© Hanifa

Le résultat tient de l’œuvre d’art, à la fois par son esthétique et son coup commercialo-pandémique qui raconte notre époque et présage peut-être les futures. Seul regret : que la piste du breuvage qui rend invisible, que l’on aurait pour notre part envisagée, s’avère au final plus coûteuse (ne serait-ce qu’en cotisations sociales).

La nouvelle collection, Pink Label Congo, est disponible sur le site de Hanifa, qu’on peut suivre également sur Instagram ou Twitter.