Dans le monde tel qu’il change, il y a incubateur et incubateur. Soit, d’un côté, les regroupements d’entreprises individuelles, de start-ups déterminées et d’applications qui s’y croient déjà et puis, de l’autre, des monstres comme Acubed, l’incubateur d’Airbus qui se positionne sur le transport aérien totalement automatisé, « gate to gate » (porte à porte), de fret comme de passagers. Il a aujourd’hui la joie de nous annoncer l’acquisition d’un nouveau bébé, un avion entièrement équipé et aménagé en laboratoire volant, destiné à recueillir des données de navigation dans le monde entier, afin de favoriser l’essor de l’avion robot partout sur Terre.
Les robots s’envolent
Sur le communiqué de presse, le responsable du projet « Wayfinder » parle de ce nouvel engin comme un gamin émerveillé par son nouveau jouet. Et ce n’est pas un reproche : il faut bien reconnaître que le modèle choisi, un Beechcraft Baron 58, né en 1970 et toujours produit à ce jour, n’est déjà pas, à la base, dénué d’un certain chic.
Mais celui d’Acubed va plus loin :
« Le programme « Wayfinder a pour objectif principal de développer une nouvelle technologie embarquée, qui puisse fonctionner sur les grands vols commerciaux« , rappelle le centre d’innovation d’Airbus, fondé en 2015 dans la Silicon Valley. « Le Beechcraft Baron 58 est une plateforme idéale pour tester nos systèmes avant de les installer sur de plus gros aéroplanes. Il est facile à piloter, ses moteurs jumeaux sont des plus simples à modifier, et la verrière de son cockpit offre une vue claire et dégagée, similaire à celle des avions commerciaux. Nous nous exerçons sur l’aéroport de Palo Alto en Californie. Comme peuvent en témoigner les équipes locales, les vents y sont réguliers, et c’est juste à côté du bureau où nous développons nos machines et nos programmes. »
Le but de l’opération est, bel et bien, de rendre possible et banal le vol, intégralement automatisé, d’avions commerciaux : du « taxi » de départ (le positionnement de l’appareil jusqu’à sa piste d’envol) à celui d’arrivée, en passant par le décollage, l’atterrissage et bien entendu le vol de croisière…
Ça paraît fou ? Sur le site de Toulouse-Blagnac, Airbus a réussi la performance cet été avec un A 350, lors de six vols comprenant chacun 5 cycles de taxi, décollage, atterrissage. Deux pilotes se trouvant bien entendu à bord en cas de problème… Mais immobiles.
Le système peut être déployé sur n’importe quel autre gros porteur, sans qu’il soit nécessaire de fabriquer un appareil spécialement dédié.
Et ça va vite
Le plus marrant dans tout ça, outre que le parcours d’un avion est bien plus prévisible que celui d’une automobile (pas de piétons, pas de priorités grillées, pas de vélos ou d’ambulances) et que, donc, les avions autonomes devraient être opérationnels bien avant les voitures du même genre, c’est aussi que la firme européenne n’est évidemment pas la seule lancée dans la course, ou d’autres plus folles encore.
En 2018 par exemple, Boeing s’est porté acquéreur de la compagnie Aurora Flight Sciences qui, depuis les années 1990, planchait sur le sujet depuis l’autre rive du pays, à Alexandrie en Virginie. Désormais filiale à 100 % du groupe américain, AFS n’effectue pas seulement ses recherches dans le domaine du vol autonome, mais aussi dans celui des véhicules solaires. Ou individuels, comme ce PAV (Passenger Air Vehicule), dont le prototype teste en conditions réelles le vol autonome depuis janvier dernier.
L’autre gros concurrent sur le marché (si l’on exclut le chinois Ehang et ses tout aussi autonomes, mais plus petits, taxis-drones récemment en démonstration aux États-Unis), c’est Reliable Robotics, fondé voilà trois ans par des anciens de Tesla et SpaceX, qui fait déjà voler et atterrir à volonté sa Caravane 208 (l’avion-cargo extrêmement flexible de Cessna), en collaboration avec FedEx, et est entré en pourparlers avec le régulateur du transport américain pour obtenir ses premiers permis commerciaux. Et qui recrute : une bonne douzaine de postes sont ouverts aux candidatures, vous devriez tenter votre chance).
Attention toutefois : si vous postulez, veillez à ne pas confondre avec l’autre « Reliable Robotics », son homonyme des Émirats Arabes Unis, qui lui se concentre en ce moment sur la vente « Spéciale Covid » de robots d’information, de désinfection, de livraison et surtout, c’est notre préféré, d’un androïde détecteur de fièvre.
Si vous venez nous rendre visite un de ces quatre au Bunker, surtout si vous tapez vos 39° C de température corporelle, pensez donc à être poli avec lui : il s’appelle Looping, et on ne l’a pas vraiment choisi pour sa patience.