À Lagos, on vit dans les pneus

Une équipe de chercheurs britanniques explore les mille façons de recycler un pneu, à travers le cas de Lagos au Nigéria.

Temps de lecture : 3 minutes
Image Article Pneuma City Home
© NASA

Les pneus c’est moche, ça pue et ça pollue. Ils ne sont pas biodégradables, les brûler est hautement toxiques, ils ravagent les océans (et, en plus, lorsqu’ils sont utilisés, ils émettent plus de particules fines… que le pot d’échappement).

En 2001, un documentaire saisissant, en montrant les étapes de la vie d’un pneu, de sa fabrication à sa fin de vie, les utilisait pour démontrer les rouages implacables, absurdes et dangereux de la mondialisation néolibérale.

Eh bien, les pneus ne sont toujours pas morts. C’est donc au tour de l’université du Kent, en Angleterre, de s’emparer du sujet pour explorer le recyclage et les autres usages possibles de l’objet. Économies et écologies urbaines, ainsi que le ré-usage, constituent les trois axes de son étude, qui reposent sur les pratiques en place en Afrique de l’Ouest. Car là-bas, apprend-on, les pneus servent à tout… Sous peine de finir étouffé sous des quantités astronomiques de chambres à air.

© Pneuma City

Pneuma-City —c’est le nom du projet— se penche plus particulièrement sur le cas de Lagos et ses 2 millions de véhicules en circulation. Là-bas, leur raconte un habitant, “un pneu ne meurt jamais”. On en fait des plateformes pour générateurs électriques portables, des stands pour le marché, des séparations informelles, en ville ou à la plage. On en fait des meubles, des murs ou des œuvres d’art. On les transforme en asphalte ou on en tire de l’essence.

Les vulcanisateurs de l’industrie locale, tous les trois mois, doivent parcourir la ville pour y récupérer tous les pneus abandonnés qu’ils trouvent, sous peine de sanctions. “L’un d’entre eux nous a dit pouvoir différencier un Dunlop d’un Michelin rien qu’à l’odeur”, racontent quatre des chercheurs de Pneuma-City dans un reportage saisissant, accompagné des superbes photos noir et blanc d’Andrew Esiebo.

Le propos n’est bien sûr pas une incitation à continuer ainsi à crouler sous les pneus. Ces instantanés du Nigeria rappellent au contraire que les déchets que nous produisons ne peuvent que s’entasser ou être réutilisés, avant qu’ils nous tuent, ailleurs comme ici.

Suivez le lien pour découvrir le photoreportage paru (en anglais) sur Anthropology News.