Les mauvaises nuits de la pandémie

Le coronavirus engendre ses propres rêves et cauchemars.

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Pieter Brueghel l'Ancien, le Triomphe de la Mort (Détail), circa 1562 © Musée du Prado, Madrid

On le sait : la santé mentale est l’une des grandes oubliées de notre société, et la pandémie en cours n’y fait pas exception.

La peur de la maladie, les restrictions de toutes sortes, le voile d’inconnu jeté sur l’ensemble de nos futurs (à court, moyen et long terme), les nouvelles anxiogènes et les décomptes plus ou moins morbides ne sont pas sans conséquences sur nos esprits. Même si l’on exclut les hausses de dépression, d’idées suicidaires ou de consommation de stupéfiants déjà constatées (+ 7 % de dépressions majeures par exemple, selon une étude effectuée sur 8 000 personnes dans 8 pays au printemps dernier), de nouvelles données suggèrent que l’anxiété générée pèse aussi sur notre sommeil et nos rêves.

Des cauchemars plus fréquents

Ainsi, une équipe finlandaise a analysé le sommeil de 4 275 personnes durant le confinement, et disséqué les rêves d’un peu plus de 800 d’entre elles (les résultats, qui viennent tout juste d’être publiés par la revue Frontiers in Psychology, sont disponibles en ligne ici).

Les résultats sont rigolos : en résumé, on dort plus, mais plus mal.

Concrètement : près de 55 % des sujets ont vu leur durée de sommeil s’accroître, mais avec des réveils nocturnes et / ou des cauchemars environ 25 % plus fréquents. Plus précisément, les récits de rêve ont été examinés plus en détail et répartis en 33 catégories (« clusters »), dont 20 de mauvais rêves, qui sont à 55 % liés directement à la pandémie (comme le cauchemar d’un proche gravement atteint, ou de l’incapacité à maintenir une distanciation physique de rigueur avec la foule).

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Fréquence des mots décrivant le rêve en fonction du stress déclaré, CC Frontiers in Psychology

Alors, de quoi cauchemarde-t-on par temps de pandémie ? De proches malades, donc, de masques oubliés, de câlins (« hugs ») donnés par erreur, de mains serrées par erreur, de fêtes où l’on ne parvient pas à respecter les distances de sécurité, de bus surchargés, mais aussi de sensations de désorientation ou de solitude, d’apocalypse, de dystopie et, bien sûr, d’hôpitaux, de chirurgies et d’obscurité. À noter que des thématiques de rêve négatifs déjà clairement établies, comme l’échec, la mort ou les sensations d’inquiétude, sont aussi plus fréquemment associées à la maladie. À notre nouvelle banalité.

Sans rime mais pas sans raison

Tout cela n’est pas que négatif. Pour les auteurs de l’étude, ces résultats confirment même au moins deux hypothèses ayant cours, sur l’utilité et le sens de nos cauchemars : la capacité à nous préparer aux menaces futures, en les simulant par avance, mais aussi à assurer la continuité de nos représentations d’un jour à l’autre.

La moins bonne nouvelle, c’est que les psys de toute obédience, tout comme les neurologues, sont à peu près unanimes pour affirmer qu’un sommeil troublé est un indicateur assez infaillible de troubles mentaux à venir. Il est donc, mentalement aussi, essentiel de prendre soin de soi. Les résultats évoqués plus haut sont d’ailleurs directement corrélées aux niveaux de stress rapportés par les participants et participantes lorsqu’ils et elles sont éveillées (ce stress ayant augmenté chez plus de la moitié du groupe par rapport aux mois précédents).

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Associations d’idées exprimées dans les rêves, en fonction du stress déclaré, CC Frontiers in Psychology

Pour rappel, le gouvernement français a mis en place une page internet rappelant les conseils de base (rester en lien avec son entourage, prendre soin de ses proches, n’écouter les informations qu’avec mesure, par exemple), mais aussi (en défilant un peu vers le bas), de nombreuses ressources et possibilités de soutien, réparties selon les populations (grand public, enfants, adolescents, personnes âgées, etc.) : elle est disponible ici.

N’oubliez pas que quand on va mal, le vrai courage, c’est de s’ouvrir.