Tremblement De Temps – Kurt Vonnegut

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Tremblement de Temps est le dernier ouvrage de l’auteur américain qui a bousculé les codes, les genres, les habitudes, celui qui à lui tout seul a inventé un genre de contre-culture dont l’étendard porte le sceau de son œuvre la plus connue : Abattoir 5. Plus de dix ans après sa mort, Vonnegut se retrouve une ultime fois sur les tables des librairies françaises. Et il y a dans cette sortie un doigt d’honneur au temps, plus bel hommage possible à cet homme, sa vie, ses pages. Surtout celles-là de pages d’ailleurs.

Voilà un drôle de livre donc. D’abord parce que Kurt nous annonce pour commencer qu’il l’a raté. Il l’avait pourtant écrit sur une longue période, il semblait prêt. Et son pitch était alléchant.

C’était l’histoire d’un tremblement de temps que le monde entier a vécu de 2001 à 1991. Comme ça d’un coup, l’univers s’est retrouvé dix ans en arrière. Sauf que personne ne pouvait plus rien changer à ce qui avait déjà été, pas moyen d’éviter de tomber, de se planter, de redire les mots regrettables, de mourir… Impossible d’avoir main mise sur les événements. Pendant dix ans, les habitants de la Terre refaisaient les mêmes gestes, prononçaient les mêmes paroles, revivaient les mêmes choses en toute conscience mais en toute impuissance. Ça s’appelait la Rediffusion.
Par la suite, le retour du Libre Arbitre générait un autre problème. Parce qu’il réapparaissait d’une seconde sur l’autre, à l’instant même où en 2001 (le premier 2001) il y avait eu le tremblement de temps. En pilote automatique depuis une décennie, les gens se retrouvaient brusquement au volant d’une voiture, aux commandes d’un avion, ou simplement à marcher dans la rue parce que c’est exactement ce qu’ils faisaient à cet instant précis il y a dix ans du même moment. Et il fallait bien l’admettre, les réflexes ne revenaient pas dans l’instant. Ils faisaient plutôt place à la panique et au désastre. Et au rire chez nous lecteurs.

Voilà donc ce qu’était Tremblement de Temps. Du moins ce qu’il devait être. Mais en le relisant, Kurt Vonnegut est loin d’en être content. Alors il décide de n’en donner que des extraits, les moins mauvais selon lui, et d’en profiter pour parler d’autres histoires. Des anecdotes, des pans d’autobiographie, des pensées, des aphorismes, des lettres, des réflexions. Puis du semi-fictif aussi grâce à son éternel personnage Kilgore Trout, son alter-ego imaginaire, auteur raté puis honoré, avec qui il discute essentiellement au cours d’un étrange « pique-nique de fruits de mer au bord de l’eau » censé se dérouler en 2001. Moments dont il affirme se souvenir en 2010.
Sauf que Vonnegut termine son ouvrage fin 1996. Et meurt en 2007.
Sauf aussi qu’il y a cette histoire de Rediffusion et du retour du Libre Arbitre en filigrane partout.

Le passé, l’avenir, le vrai, le faux, tout se mélange en un patchwork totalement Vonnegutien dont on ne cherche même plus à démêler les fils. On prend le tapis en entier, on s’y enroule sans plus chercher le pourquoi, le quand, le qui. Il n’y a plus que le comment qui l’emporte.
Décalé. Déroutant. Redondant. Essentiel. Bref, Vonnegut.

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Femme de radio et femme de plume, amoureuse du chocolat noir et des humains de toutes les couleurs, dévoreuse acharnée de romans et de musique, défenderesse déterminée de la veuve et de l'orphelin, elle est convaincue que la fin du monde ne se vit bien qu'en riant avec un verre de bon vin en main.